Un “marathon” lors des Nuits de la lecture pour réunir personnes détenues et équipes de l’établissement
Le 24 janvier 2025, le centre pénitentiaire de Grenoble-Varces participe à nouveau aux Nuits de la lecture, rendez-vous annuel orchestré par le Centre national du livre. Dans ce cadre, son unité locale d’enseignement organise tous les ans un « marathon de lecture », qui constitue un moment fédérateur au sein de l’établissement.
L’unité locale d’enseignement : une école, mais pas seulement !
Une unité locale d’enseignement (ULE) est « une école dans la prison », selon les mots de Marie Ghiouane, enseignante à celle de Grenoble-Varces. Elle est composée d’une équipe d’enseignant·es, en grande majorité des professeur·es des écoles, mais aussi de professeur·es du secondaire. L’enseignement pour les personnes mineures est obligatoire tandis que celui des personnes majeures est basé sur le volontariat avec un engagement d’assiduité. Les personnes allophones, en situation d’illettrisme, sans diplôme et en dessous de 25 ans sont prioritaires.
Au centre pénitentiaire de Grenoble, les professeurs de l’ULE dispensent chaque semaine des cours à une quinzaine d’élèves mineurs et à près de 120 personnes majeures. En parallèle, l’ULE peut mettre en place des projets ponctuels ouverts à l’ensemble des détenus. Prix Goncourt des détenus, ateliers autour du film d’animation, de l’éloquence ou de l’écriture… ces projets permettent d’ouvrir l’établissement sur l’extérieur, grâce à des partenariats avec des structures culturelles locales, comme le cinéma ou la bibliothèque municipale.
Depuis quelques années, le partenariat avec la bibliothèque municipale de Grenoble permet à l’établissement de participer aux Nuits de la lecture, à travers un « marathon » au quartier majeur et des ateliers d’écriture au quartier mineur. La bibliothèque prête un certain nombre de livres pour l’évènement, et deux bibliothécaires viennent aider l’équipe enseignante de l’ULE à le préparer et l’animer.
Égaux face aux mots
Le « marathon » prend la forme de lectures à voix haute qui se déroulent sur une journée. Ces lectures sont ouvertes à l’ensemble des personnes qui habitent ou se rendent dans l’établissement. Le personnel soignant, l’aumônier, les éducateurs et éducatrices de la protection judiciaire de la jeunesse, le personnel de direction, les agent·es de l’administration pénitentiaire et du service pénitentiaire d’insertion et de probation y participent au même titre que les personnes détenues.
À chaque étage de l’établissement, les participant.es réuni·es dans une même pièce se répartissent en cercle. La règle est la même pour tous et toutes : à partir d’un thème imposé, choisir un texte de sa bibliothèque personnelle ou issu des sélections faites par les enseignant·es de l’ULE ou par les bibliothécaires, et le lire à voix haute devant l’assemblée. Les lectures se succèdent sans interruption d’étage en étage, tout au long de la journée, valant à l’évènement le nom de marathon.
Ces heures de lecture comportent plusieurs enjeux. Il y a d’abord le fait que membres du personnel et détenus découvrent sous un autre angle des personnes qu’ils et elles côtoient au quotidien. « Ce temps de lecture humanise » les participant·es, témoigne Marie Ghiouane. Un autre défi est de mettre à l’aise devant les livres des personnes qui peuvent se trouver en situation de fragilité linguistique. Il s’agit alors de créer un climat de convivialité autour des livres, afin que ces personnes aient confiance dans leur capacité à lire. Enfin, ces lectures suscitent chez les participant·es beaucoup d’émotions : certains des textes sont écrits par les lecteurs et lectrices eux-mêmes, d’autres entrent en résonnance avec une expérience intime, d’autres encore sont lus dans la langue maternelle du ou de la participant·e. Marie Ghiouane qualifie ces moments de « parenthèses hors du temps » : le silence de l’auditoire lors des lectures est presque religieux, quelle que soit l’identité de la personne qui lit.
Les graines semées par le marathon de lecture
Après l’heure de lecture, l’ULE propose toujours un temps d’échanges informels aux participant·es, qui leur permet de verbaliser leurs impressions et leurs sentiments, mais aussi de se féliciter mutuellement. L’évènement fait l’objet d’un article dans le journal local de l’établissement.
Dans le cadre de leur inscription aux Nuits de la lecture, les structures qui organisent un évènement dans un quartier prioritaire de la ville, un territoire rural ou à destination de publics empêchés peuvent déposer une demande de chèques lire auprès du Centre national du livre. Grâce à cette opération, chacune des personnes qui a participé au marathon repart avec un livre. Les chèques permettent aux enseignant·es de l’ULE de Grenoble d’acheter à la librairie de proximité plusieurs dizaines d’exemplaires de trois ou quatre titres et de les proposer aux participant·es à l’issue du marathon. Les enseignant·es prennent soin de panacher les niveaux de lecture et laissent les bénéficiaires choisir le livre qui leur semble le plus adapté à leurs goûts et leur niveau.
Au-delà d’une incitation à lire, les Nuits de la lecture invitent les personnes fréquentant le centre pénitentiaire à partager un moment convivial et contribuent à inscrire cet établissement sur son territoire, en renforçant ses liens avec la librairie locale et la bibliothèque municipale.
Les Nuits de la lecture
Créées en 2017 par le ministère de la Culture, elles ont lieu chaque année en janvier. Elles soutiennent des moments festifs autour du livre : les structures qui le souhaitent sont encouragées à organiser, pendant quatre jours, des évènements et animations en lien avec la lecture, qui sont relayés sur le site consacré aux Nuits de la lecture.