Photographie en noir et blanc de quatre livrets identiques, intitulés "Le miroir"
Les textes écrits par les participants ont été regroupés dans un livret intitulé "Le miroir". 
© Camille DELON
Publié le 29 juillet 2025

Fiction ou réalité 

Des ateliers pour écrire et réfléchir à la fabrique de l’information au centre pénitentiaire de Paris-La Santé
Public majeur

Entre janvier et mars 2025, douze personnes détenues du centre pénitentiaire de Paris-La Santé ont exploré les liens entre fiction et écriture journalistique. Dans le cadre d’ateliers créatifs de sensibilisation aux médias, organisés par la Bibliothèque publique d’information (Bpi) et le Service pénitentiaire d’insertion et de probation de Paris, elles ont rédigé des reportages fictifs.

Rencontrer différent·es professionnel·les de l’écrit

Que ce soit auprès de personnes mineures ou adultes, à l’école, en détention ou ailleurs, les ateliers d’éducation aux médias jouent un rôle important pour permettre l’accès à des informations fiables, estime Camille Delon, chargée de développement des publics à la Bpi. Ce rôle est d’autant plus essentiel en prison que les chaînes de télévision, notamment les chaînes d’information en continu, constituent souvent la principale source d’informations des personnes détenues. 

Dans le cadre de son festival littéraire « Effractions », la Bpi a organisé de janvier à mars 2025 des ateliers d’écriture au centre pénitentiaire de Paris-La Santé. L’autrice Marie Mangez a aidé les participants à écrire des reportages mêlant faits réels et inventés, à partir de son livre Les vérités parallèles, qui interroge la place de la fiction dans la fabrique de l’information. Les personnes détenues ont également rencontré la journaliste Louise Bartlett, ainsi que l’éditeur et illustrateur Sébastien Souchon. 

Le festival littéraire Effractions, organisé chaque année par la Bpi, interroge les liens entre réel et fiction à travers des interventions d’auteurs et autrices, des ateliers d’écriture, des tables rondes. Il touche des publics divers, notamment des élèves, des personnes empêchées et du champ social. En 2025, Marie Mangez figure parmi les auteurs et autrices invité·es. 

Des rapports variés à l’écriture et à la lecture 

Douze personnes au total ont participé aux séances. Le nombre de participants d’un atelier à l’autre est cependant variable, en fonction des contraintes respectives de chacun (rendez-vous administratifs, visites au parloir au même moment, etc.) 

Lors du premier atelier, chacun a reçu de la part de la Bpi un exemplaire des Vérités parallèles, afin de nourrir les échanges avec Marie Mangez. La romancière a ensuite animé trois séances consacrées à l’écriture de reportages fictifs. Ces séances ont donné lieu à une production écrite importante de la part des bénéficiaires, certains ayant même retravaillé leurs textes en cellule. 

Les discussions avec l’autrice sont l’occasion pour eux de parler de leur rapport à l’écriture et à la lecture. Certains sont très érudits, d’autres ne lisent pas du tout. Aucun n’est toutefois en situation d’illettrisme, une maîtrise minimale de l’écrit étant requise pour le bon déroulement de l’activité. 

Camille Delon souligne l’importance du temps long pour la réalisation de ce type de projet. « Une relation de confiance s’est nouée peu à peu au sein du groupe, et entre l’autrice et les participants. Il a fallu toutefois veiller à ce que la parole soit distribuée équitablement, précise-t-elle, certaines personnalités prenant plus de place que d’autres ». 

« Apprendre à détricoter l’information »

En complément des ateliers d’écriture, la journaliste Louise Bartlett a proposé aux intéressés une séance autour de la fabrication et la vérification des informations, en les invitant par exemple à différencier les faits des opinions dans un article de presse. « L’enjeu, explique Camille Delon, est de faire comprendre aux participants que le temps de construction de l’information est différent en fonction du type de média et de leur apprendre à détricoter l’information, afin de repérer les différents niveaux de lecture possibles d’un même fait ». 

Le cycle d’ateliers s’est clôturé par la rencontre avec Sébastien Souchon, qui a regroupé les faux reportages écrits par les personnes détenues et les a mis en page sous la forme d’un livret. Cette séance a ainsi permis aux bénéficiaires de s’immerger dans le processus de fabrication d’une publication.

Exemplaires du livret mis en page par Sébastien Souchon. © Camille Delon

 

Les trois intervenant·es connaissent déjà l’univers pénitentiaire, mais c’est la première fois que Marie Mangez anime des ateliers en détention. Pour préparer ses interventions, elle a bénéficié de l’aide de la coordinatrice culturelle du Service pénitentiaire d'insertion et de probation de Paris, Camille Blumberg. Elle a pu également se familiariser avec les lieux en amont. 

 

Une convention entre la Bpi et le SPIP de Paris pour permettre aux personnes détenues « d’exercer leur droit à la lecture » et participer à un festival littéraire

Dans le cadre d’un partenariat avec le Service pénitentiaire d'insertion et de probation de Paris, la Bpi mène chaque année une action de médiation littéraire auprès des personnes détenues de l’établissement. Cette médiation s’inscrit toujours dans la programmation culturelle de la Bpi. Elle vise à permettre aux participants « d’exercer leur droit à la lecture, à la culture et à la connaissance, mais aussi de découvrir une œuvre littéraire, de participer à un festival littéraire, de rencontrer et travailler avec un auteur ou une autrice », explique Camille Delon. 

Le partenariat est contractualisé par une convention tripartite signée par le SPIP de Paris, le Centre pénitentiaire de Paris-La Santé et la Bpi. Elle engage les parties à garantir la rémunération, ainsi que les conditions d’accueil et d’accompagnement des intervenant·es, dans le cadre des animations proposées par la Bpi.