Des livres pour Noël

Par Aline Chambras

En cet automne 2023, l’association Lire C’est Vivre organise la 11^e édition de son opération « Des livres pour le Noël de vos enfants » à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis. Son objectif : favoriser le maintien des liens familiaux grâce aux livres.

Depuis sa fondation en 1987, l’association Lire C’est Vivre œuvre pour le développement de la lecture en milieu carcéral, notamment via la création des bibliothèques et des espaces de lecture de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis (MAFM) et du centre de semi-liberté de Corbeil-Essonnes. Elle met aussi sur pied de nombreux projets d’action culturelle autour du livre et de la lecture dans ces établissements.

À l’automne 2012, elle inaugure ainsi le projet « Des livres pour le Noël de vos enfants », qui se tient tout d’abord seulement dans la MAFM, puis à partir de 2016 également dans le centre de semi-liberté de Corbeil-Essonnes, sous une forme différente (lire encadré). Le principe ? « Se servir du livre pour favoriser le maintien des liens parentaux et familiaux, en organisant avant Noël une expo-vente de livres dans l’enceinte de la MAFM », explique Léna Sarrut, la directrice de Lire C’est Vivre.

Des livres à petits prix

L’opération se déroule en quatre temps. D’abord, les membres de l’association opèrent la sélection annuelle. Il s’agit d’établir une liste d’une quarantaine d’ouvrages jeunesse, couvrant toutes les tranches d’âge : 0-3 ans, 3-7 ans, 7-10 ans et 10-15 ans. « Pour la sélection, nous avons trois critères. En premier, le prix : nous privilégions les ouvrages qui coûtent autour de 5 € et n’en choisissons aucun à plus de 15 €. Ensuite la taille du livre est importante, car ce sont des livres qui sont envoyés aux familles ou proches en courrier lettre et non en colis. Lors des premières éditions, nous fonctionnions par l’envoi de colis et nous avons eu beaucoup de problèmes de retours, car les destinataires n’allaient pas forcément les récupérer à la poste… Enfin, notre dernier critère est de tendre le plus possible à une certaine exhaustivité : nous avons des classiques, des titres récents, des bandes dessinées, des mangas, etc. », détaille Léna Sarrut. Cette année, côté classiques, Boucle d’or côtoie comme d’habitude les Mortelle Adèle et autres Titeuf. Côté nouveautés, on trouve la bande dessinée Marseille, Bébé ! d’Anaïs Sautier et le roman Le Temps des ogres de Michelle Montmoulineix. Passée cette première étape de sélection, les membres de l’association effectuent courant novembre une dizaine de journées de présentation des ouvrages dans les bibliothèques de la MAFM. Seuls les détenus inscrits au préalable peuvent y participer.

Pré-achats et procédure de vérification

Lors de ces journées « d’exposition », les détenus peuvent pré-acheter les livres qu’ils souhaitent, en utilisant leur compte nominatif. « C’est un autre des enjeux de l’opération : aider les détenus à se responsabiliser financièrement. Seuls les indigents, c’est-à-dire ceux qui reçoivent moins de 20 € par mois, ont droit à un livre offert par enfant », précise Léna Sarrut. Enfin, une fois les pré-achats faits, c’est l’association Lire C’est Vivre qui prend en charge les commandes (auprès de la librairie Chantelivre) et l’envoi des ouvrages aux intéressés. Avec, auparavant, une procédure de « vérification » : « L’administration pénitentiaire doit nous confirmer que les détenus ont bien le droit d’être en lien avec les enfants à qui ils ont choisi d’envoyer des livres. En 2022, il a fallu vérifier 24 profils (violences intrafamiliales ou agressions sur mineurs) et nous avons dû annuler l’envoi de livres pour trois détenus. Comme ils les ont payés, nous les déposons dans leur casier "fouille" et ils les récupéreront à leur sortie de détention », explique Léna Sarrut.

« Ça peut paraître peu, 80 personnes, mais ça reste quand même 80 personnes que nous avons réussi à faire venir dans une bibliothèque de la maison d'arrêt, avec qui nous avons créé du lien, qui ont eu le sentiment d’avoir le choix, ce qui est très rare en prison ».

En 2022, 303 détenus, sur les 4 000 que compte la MAFM, se sont inscrits pour participer aux journées de présentation et 80 d’entre eux ont ensuite commandé près de 200 ouvrages. « Ils ont choisi des livres pour leurs enfants, mais aussi pour leurs neveux ou nièces, leur petit frère ou petite sœur et même parfois pour leur femme », indique Léna Sarrut. « Ça peut paraître peu, 80 personnes, mais ce qui nous intéresse ce ne sont pas les chiffres, car ça reste quand même 80 personnes que nous avons réussi à faire venir dans une bibliothèque de la MAFM, avec qui nous avons créé du lien, qui ont eu le sentiment d’avoir le choix, ce qui est très rare en prison, et surtout c’est in fine une centaine d’enfants qui recevra un livre envoyé par un parent détenu à Noël », insiste Léna Sarrut.