Deux personnes sont assises, l'une d'entre elles tient un micro. Derrière eux, il y a une toile rouge foncée tendue avec l'inscription "Prix Goncourt des détenus 2022"
Pascal Perrault, directeur général du Centre national du livre (CNL), et Régine Hatchondo, présidente du CNL, lors de la remise du prix Goncourt des détenus 2022 © Élodie Dupuis pour le Centre national du livre
 
Publié le 23 novembre 2023

Le Goncourt des détenus s’ancre dans le paysage littéraire

Par Aline Chambras

Pour la deuxième année consécutive, le Centre national du livre (CNL) et le ministère de la Justice, sous le patronage de l’académie Goncourt, ont organisé la tenue du prix Goncourt des détenus. Retour sur une initiative qui place l’actualité littéraire, la lecture, la rencontre et le débat au cœur des établissements pénitentiaires.

Un vrai succès. Les retours d’expérience de la première édition, en 2022, du Goncourt des détenus sont unanimes : « Il y a eu un réel enthousiasme et au final, que ce soient les participants, l’administration pénitentiaire ou les auteurs, tout le monde était satisfait de l’expérience », résume Édith Girard, ajointe à la déléguée à la diffusion et à la lecture et responsable du pôle lecture, action territoriale et internationale au Centre national du livre (CNL). Aussi l’opération, toujours portée par le CNL et le ministère de la Justice sous le patronage de l’académie Goncourt, a été reconduite en 2023 sans hésitation, et qui plus est, avec un cahier des charges augmenté. « Nous avons décidé de permettre à davantage d’établissements pénitentiaires de s’inscrire », détaille Édith Girard. Cette deuxième édition en implique 40, contre 31 en 2022, soit environ 600 personnes.

Après le Goncourt des lycéens, créé en 1988, c’est la deuxième fois que l’académie Goncourt ouvre ses sélections à des jurys spécifiques. Pour le CNL comme pour le ministère de la Justice, offrir aux personnes détenues la possibilité d’être actrices d’un prix littéraire est une manière de rappeler « l’importance de la lecture dans le processus de réinsertion ». C’est aussi un moyen de « rattacher les personnes détenues à l’actualité littéraire et culturelle » et enfin de « remettre la parole, le débat et l’écoute au centre des échanges au sein des établissements pénitentiaires », indique Édith Girard.

La rentrée littéraire s’invite en détention

Le 6 septembre 2023, le coup d’envoi de ce nouveau Goncourt a coïncidé avec la publication officielle des 16 ouvrages en lice pour le « vrai » Goncourt. « Une fois la liste des Goncourables connue, le CNL et l’administration pénitentiaire se chargent d’acheter chacun deux exemplaires des ouvrages en compétition pour que chaque établissement participant ait quatre exemplaires à disposition dans sa bibliothèque », note Édith Girard. Cette première étape, indispensable, permet aux volontaires de se plonger dans la lecture des ouvrages sélectionnés par l’académie. Conscient que la lecture intégrale des 16 romans peut être difficile à mener dans le temps imparti, c’est-à-dire moins de trois mois, le CNL fournit ensuite des kits de médiation réalisés pour l’événement : il s’agit de fiches de lecture sur chacun des ouvrages et de vidéos de 3 minutes dans lesquelles les auteurs et autrices pitchent leurs œuvres. « Ceci pour aider les participants à choisir quels livres ils liront en priorité », explique Édith Girard. Après ce temps réservé à la lecture vient celui des échanges entre personnes détenues et auteurs ou autrices. Du 16 octobre au 17 novembre, une soixantaine de rencontres, soit plus du double qu’en 2022, se sont ainsi tenues dans les établissements participants : 30 ont eu lieu en visioconférence, 31 en présentiel. « Lors de la première édition, nous avions été vraiment très agréablement surpris par la mobilisation des auteurs, cette année, elle est encore plus palpable. C’est une vraie satisfaction car ce sont des moments d’échanges très riches », commente Édith Girard.

Discussions et débats littéraires

À la suite de ces rencontres, les participants de chaque établissement pénitentiaire ont eu la mission de retenir collégialement trois ouvrages. Des sélections ensuite défendues et débattues, du 27 novembre au 5 décembre, par les représentants de chaque structure, élus par les autres participants, lors des délibérations interrégionales organisées par la direction des services pénitentiaires. À l’issue de cette avant-dernière étape, seuls restent en course les livres « primables », soit au minimum 3 ouvrages et au maximum... 16, si les délibérations n’ont pas abouti à un consensus. Il reviendra ensuite aux détenus délégués nationaux réunis au CNL de procéder aux délibérations finales et de rendre leur verdict. Cette année, ce sera le 14 décembre. En 2022, c’est Sarah Jollien-Fardel qui avait été choisie pour son livre Sa préférée. « Nous avions eu l’intuition que ce roman mettant en scène des personnages aux itinéraires cabossés susciterait un intérêt particulier. Les membres du jury l’ont tous défendu avec une conviction très forte. Et puis, je pense qu’ils n’avaient pas envie de s’aligner sur le Goncourt officiel [Brigitte Giraud pour Vivre vite, NDLR] qui avait déjà été annoncé. Ils voulaient vraiment porter leur Goncourt », remarque Édith Girard.

NB : Le prix Goncourt des détenus 2023 a été décerné le 14 décembre au premier roman de Mokhtar Amoudi Les Conditions idéales (Gallimard).

Sur une table plusieurs feuilles sont étalées, certaines sont couvertes d'écriture manuscrite et sur d'autres on peut lire "Prix Goncourt des détenus 2022", on voit également le torse et les bras d'un participant
Lors de la délibération du prix Goncourt des détenus 2022 © Élodie Dupuis pour le Centre national du livre