Mettre en œuvre : les collections

Une offre de lecture s'appuie sur une sélection de documents (livres, livres audio, DVD, ressources numériques…) dite aussi "collection". Établies selon des critères professionnels, les collections doivent répondre à différents besoins, être renouvelées, classées et proposées dans différents endroits pour trouver leur public.

Quelles collections ?

Dans les établissements et services du ministère de la Justice, comme à l’extérieur, les collections doivent être représentatives de l’ensemble des connaissances, des courants d’opinion et des productions éditoriales. Elles doivent répondre aux intérêts de toutes les personnes auxquelles elles s'adressent, dans le respect de la Constitution et des lois.

À qui confier le choix des collections ?

Le choix des collections est effectué par des professionnel·les du livre ou des personnes ayant développé des compétences par des formations adaptées, en partenariat ou de manière collégiale. 

Pour que ce choix  ne repose pas sur une seule personne, il est recommandé de mettre en place un comité de lecture. Celui-ci réunira des membres aux compétences différentes, afin d'assurer autant que possible une sélection adaptée aux besoins des personnes auxquelles on s’adresse.

Qui réunir au sein d’un comité de lecture en prison ? 
– les détenu·es auxiliaires bibliothécaire, employé·es au service général de l’établissement et rémunéré·es à ce titre, qui s’occupent au quotidien de la bibliothèque et peuvent faire remonter les demandes des lecteurs et des lectrices
– les bibliothécaires et libraires partenaires, qui ont une connaissance approfondie de l'offre éditoriale 
– les coordinateurs et coordinatrices culturel·les ou d’activités ou les référent·es bibliothèques des services pénitentiaires d’insertion et de probation, qui ont connaissance des activités connexes afin d’orienter les choix en lien avec les ateliers proposés.

On pourra aussi convier au comité de lecture le ou la responsable local·e de l'enseignement (RLE), tout comme l’ensemble du personnel, qui pourra trouver intérêt à diversifier son rôle en direction des personnes détenues et bénéficier de l’offre de lecture.

Mettre à disposition des boîtes ou des cahiers de suggestion.

Selon quels critères ?

Une charte des collections peut être établie pour fixer les grands principes d’acquisition des documents, par exemple en s’appuyant sur les recommandations de l’Association des bibliothécaires de France. 

Les collections sont autant que possible les mêmes dans un établissement ou un service du ministère de la Justice qu’en bibliothèque publique. 
Il convient donc d'éviter toute censure ou opinion préconçue sur ce que les personnes placées sous main de justice (PPSMJ) doivent lire ou ne doivent pas lire, peuvent ou ne peuvent pas lire, sur ce qui serait bon ou mauvais au regard de leur situation. 

Certains établissements pénitentiaires accueillent des mineur·es. Dans ce cadre, il est indispensable de prévoir, parmi les collections de la bibliothèque de l’établissement, des documents destinés à ces jeunes :

  • romans et bandes dessinées pour les adolescent·es ; 
  • manuels et ouvrages en lien avec leurs études ;
  • documentation juridique adaptée à leur tranche d’âge. 

La politique d’acquisition en 12 points, ABF

Charte des collections, Lire C’est Vivre

Le dépôt sauvage de documents est courant dans les rayonnages. La façon de traiter ces apports (retrait ou intégration) devra faire l’objet de réflexions et discussions avec l’établissement ou le service, notamment pour éviter que des titres porteurs de prosélytisme religieux ou sectaire ne se fassent une place dans les collections.

À noter : certaines publications écrites ou audiovisuelles peuvent être interdites de diffusion en détention au niveau national ou interrégional (article R370-5 du Code pénal) si elles contiennent "des menaces graves contre la sécurité des personnes et des établissements pénitentiaires ou des propos ou signes injurieux ou diffamatoires à l’encontre des agents et collaborateurs du service public pénitentiaire ou des personnes détenues".

L'offre de lecture spécifique "justice"

Dans le contexte d’un établissement ou d’un service pour les personnes placées sous main de justice, doivent entre autres faire partie de l’offre :

  • les documents correspondant à leur situation en tant que personne placée sous main de justice : éducation et vulgarisation juridique, droits, parcours d’insertion sociale possibles, etc.
  • les documents correspondant aux activités mises en œuvre dans le cadre de leur accompagnement, dans le domaine de la culture (livre, théâtre, cinéma et audiovisuel, musique, arts visuels…), de l’éducation aux médias et aux images, et dans les autres domaines. L’offre de lecture doit en effet être à la fois celle d’une bibliothèque et celle d’un centre de ressources.

La construction de cette offre spécifique "justice", comme sa mise à disposition, peut être l’occasion d’échanges entre les professionnel·les de la structure ou de l’établissement et les personnes chargées de la constitution de l’offre de lecture.

Proposer des collections accessibles à tous et toutes

Comme tous les publics, les PPSMJ peuvent rencontrer des difficultés d’accès à la lecture liées à des situations très diverses : non-maîtrise de la langue française, désintérêt pour le livre, déficience visuelle… L’offre de lecture doit prendre en compte cette diversité.

  • Pour les personnes en situation d’éloignement avec la lecture, proposer : 
    – des ouvrages “Facile à lire” ;
    – des albums adaptés aux adultes.

 Le “Facile à lire” (FAL) est une démarche qui vise à proposer une offre de lecture pour des personnes qui n’ont jamais vraiment maîtrisé la lecture ou qui ont désappris à lire.
Pour en savoir plus sur cette démarche, la mettre en œuvre, créer un espace “Facile à lire” et utiliser le logo, voir le dossier sur le site du ministère de la Culture

  • Pour les personnes non et peu francophones, proposer :
    – des collections en français langue étrangère (FLE) ;
    – des livres en langues étrangères ou bilingues ;
    – des supports d’apprentissage de la langue pour adultes (méthodes de FLE) ;
    – des ouvrages du dispositif Facile à lire.
  • Pour les personnes en situation de handicap mental, psychique ou cognitif, proposer :
    – des albums, livres sans texte, kamishibaï ; 
    – des ouvrages rédigés en Facile à lire et à comprendre (FALC), dont l’offre éditoriale est naissante.

 Le Facile à lire et à comprendre (FALC) est un ensemble de règles européennes de rédaction et de présentation de documents qui permettent de rendre les informations accessibles pour les personnes qui ont un handicap mental, psychique ou cognitif.
Voir le guide L'Information pour tous : règles européennes pour une information facile à lire et à comprendre sur le site de l’Unapei.

 Ne pas confondre FAL et FALC
Les ouvrages sélectionnés pour alimenter des espaces Facile à lire ne conviennent pas forcément à toutes les formes de handicap mental, psychique ou cognitif. Une action spécifique doit donc être menée. Cependant, proposer des ouvrages en FALC à des personnes en situation d'éloignement avec la lecture ou en difficulté avec la langue française peut être judicieux. 

  • Pour les personnes malvoyantes ou non-voyantes, proposer :
    – des ouvrages imprimés en "grands caractères";
    – des livres audio ;
    – du matériel adapté : loupes, règles de lecture, lecteurs mp3, appareils de lecture Daisy, bloc-notes braille. Attention : ces deux derniers types de matériels ne peuvent être utilisés en détention, car ils nécessitent des accès internet et l'accès à une bibliothèque numérique, par exemple celle de l'association Valentin Haüy, Éole
    Acquérir du matériel implique de penser aux usages réels des personnes et de prévoir la formation et la médiation nécessaires à son fonctionnement et à son utilisation en autonomie. Se rapprocher d'associations spécialisées peut faciliter ces démarches.

Certaines de ces propositions peuvent également convenir aux personnes présentant des troubles de la lecture et des apprentissages, de type troubles "DYS" (dyslexie, dyspraxie, dysphasie...), en particulier les livres audio ou en gros caractères. Inversement, des collections spécifiques aux personnes souffrant de ces troubles peuvent convenir à des personnes en situation d'illettrisme ou en difficulté avec la langue française.
Rappel : les troubles DYS concernent environ 7 % de la population française.

Comment disposer de collections renouvelées régulièrement ?

Pour rester attractive, l’offre de lecture doit être renouvelée régulièrement. Pour le désherbage (retrait de documents), vous pouvez consulter le guide publié par la bibliothèque départementale de la Sarthe, qui en explique clairement les règles.

Consulter le guide Le désherbage, réalisé par la Bibliothèque départementale de la Sarthe, actualisé en 2022.

Des documents récents et neufs sont indispensables dans les collections : le taux de renouvellement préconisé par les professionnel·les du livre est de 10 % par an.

Pour cela plusieurs solutions complémentaires existent.

  • Consacrer et sacraliser un budget annuel d’acquisition de documents

Un budget annuel d’acquisition de documents peut être complété en s'appuyant sur des dispositifs du territoire, des partenariats, des achats par l’association, l’établissement ou le service (vérifier selon le dispositif s’ils sont destinés à l’achat de livres pour les PPSMJ ou pour les collections de l’établissement ou du service). 

Réguler les achats tout au long de l’année garantit un renouvellement régulier des ouvrages, permet de mettre en avant les sorties littéraires dont les personnes entendront parler dans les médias, mais aussi de leur en faire découvrir d’autres.

Le budget peut être augmenté de 70 % (maximum) grâce aux aides à l’acquisition de documents proposées par le Centre national du livre. 

  • Mettre en place un système de dépôts

Des dépôts réguliers et renouvelés peuvent être prévus dans le cadre du partenariat avec les bibliothèques de lecture publique. On pourra aussi bénéficier de prêts personnalisés : prêt collectif, carte "groupe", prêt annuel, prêt ponctuel de documents pouvant illustrer une thématique d’animation, de mallettes pédagogiques, d'expositions, etc.

Voir "Comment gérer les prêts ou dépôts de collections avec une bibliothèque publique ? "  du site Lire en établissements de santé et médico-sociaux

  • Bénéficier du désherbage des bibliothèques de lecture publique

Les bibliothèques de lecture publique peuvent vous proposer une sélection de leurs ouvrages désherbés, encore en bon état et dont le contenu n’est pas obsolète, en adéquation avec les attentes de vos bénéficiaires, dans le cadre d’un partenariat local avec la bibliothèque municipale, intercommunale ou départementale, et du partenariat national entre la direction de l’administration pénitentiaire (DAP) et la Bibliothèque publique d'information (Bpi). Toutefois, il ne faut pas accepter tous les ouvrages désherbés en espérant qu’ils suffisent à faire vivre les collections. Là encore, il est indispensable de faire un tri.

Attention aux dons de livres qui sont régulièrement proposés par de nombreuses structures ou particuliers et qui ne peuvent être acceptés sans avoir un véritable regard sur la qualité du contenu et l’état des ouvrages. Il est préférable de refuser des livres usés, pas forcément adaptés aux besoins ou à la politique documentaire.

Où proposer les collections ?

Dans les bibliothèques et les espaces de lecture

En tant que lieux de culture, de loisirs, de détente, de formation et d’information, mais aussi de rencontres, autour desquels peuvent s’organiser les autres activités culturelles et artistiques, les bibliothèques jouent un rôle central dans les établissements pénitentiaires. Nécessairement plus modestes, les bibliothèques, espaces ou coins lecture des établissements de placement ou d’activités de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) peuvent jouer un rôle similaire.
Il importe d’aménager un espace de lecture accueillant et bien signalé :

  • local situé dans un lieu central, visible et respectant les normes d’accessibilité aux personnes en situation de handicap ;
  • géré par des personnes possédant des compétences spécifiques : bibliothécaires ou bénévoles ayant acquis ces compétences par une formation ;
  • avec des horaires d’ouverture suffisants, réguliers, indiqués et communiqués ;
  • proposant des collections en accès direct, présentées de façon aérée et attractive, et non dans des armoires fermées ;
  • ouvert aussi bien aux PPSMJ qu’aux professionnel·les de la direction de l'administration pénitentiaire (DAP) ou de la PJJ, afin de favoriser les échanges, d’enrichir les interactions et et développer d’autres formes de liens.

Voir les recommandations concernant la surface, le nombre de titres, les horaires d’ouverture de la bibliothèque sur la fiche technique n° 4 "Les bibliothèques, médiathèques" accompagnant la circulaire d’application du 3e protocole interministériel, datée du 3 mai 2012.

Dans les espaces collectifs

Pour se rapprocher des bénéficiaires, l’offre de lecture peut être déployée en investissant d’autres espaces des établissements ou services, collectifs ou de passage, après accord de la direction de l’établissement, éventuellement grâce aux dons, au désherbage de la bibliothèque de lecture publique ou celui de la bibliothèque de l’établissement :

  • mini-bibliothèques, espaces, coins en libre accès ou étagères dans le hall, les couloirs, les salles collectives (cuisine, salle de télévision, d’activités, d'attente, de pause, parloir…), les bureaux des éducateur·rices ou des psychologues PJJ, des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation (CPIP), ainsi que dans des espaces périphériques : lieu d’accueil des proches de personnes détenues, hébergement des surveillant·es (et d’intervenant·es) ;
  • livres voyageurs (book crossing) : mise à disposition de livres dans différents lieux de l’établissement avec mention explicite de la possibilité de les emporter puis de les "relâcher" à l’endroit de son choix dans l’établissement ou ailleurs ;
  • boîte à livres : mise à disposition de livres dans une boîte construite à cet usage, implantée dans des endroits stratégiques (par exemple dans le hall d’un bâtiment commun avec d’autres structures), avec invitation à prendre, lire et déposer en échange d’autres ouvrages.

La mise en place d'une boîte à livres peut constituer un projet en soi, intégrant conception, fabrication et animation. Certaines personnes pourront ainsi s’y intéresser via le côté manuel. Il est important de sensibiliser les bénéficiaires à la nécessité d’entretenir la boîte à livres qui, laissée à elle-même, ne fonctionne pas.

Ces dépôts, au même titre que les collections proposées dans la bibliothèque, doivent être entretenus pour rester attractifs.

Au plus près des bénéficiaires

Il peut être utile ou nécessaire de mettre en place une offre mobile issue des collections (un chariot qui passe dans les couloirs), afin qu’une offre soit proposée dans chaque quartier, dont les quartiers spécifiques : isolement, radicalisation, discipline, unité pour détenus violents (UDV), unité de vie familiale (UVF).

– Comment ? Après accord du ou de la responsable de l’établissement. 
– À quelle fréquence ? Rythme régulier (hebdomadaire ou plus).
– Quoi ? Sélection en cohérence avec les attentes des PPSMJ et les durées de présence.
– Qui ? Bibliothécaire de l’établissement, du réseau de lecture publique, auxiliaire bibliothécaire, personnel DAP ou PJJ volontaire ou bénévole formé·e.

Attention à ne pas proposer que des collections qui semblent adaptées au quartier spécifique (romans feel-good, livres sur la gestion de la violence, contes bienveillants…) au risque d’enfermer les personnes dans leurs problématiques spécifiques : chercher plutôt l’ouverture, sans tenter de bibliothérapie sauvage.

Quelques livres peuvent être déposés dans les chambres des établissements de placement PJJ et les cellules avant l’arrivée des jeunes et des détenu·es.

Dans certains cas, le portage d'un titre en cellule à la demandé d'une personne détenue pourra se justifier.

Ce système ne remplace pas un accès à la bibliothèque, qui reste à privilégier.

Classer, signaler et gérer les collections

Comment classer les collections ?

En matière de classement, toutes les simplifications seront les bienvenues pour un accès plus direct aux documents : classement thématique, par centres d’intérêt, Dewey simplifiée…

Concevoir le classement avec les bénéficiaires permet de s’assurer de la pertinence des choix effectués. 

Choisir une signalétique adaptée à tous et toutes

La signalétique d’une bibliothèque ou d’un espace de lecture, construite avec la même exigence professionnelle que dans n'importe quelle bibliothèque, s’adapte au contexte afin d’être simple et intuitive :

  • éviter le jargon dans la signalétique : utiliser plutôt "presse" que "périodiques" ; plutôt "accueil / prêts et retours des documents" que "banque de prêt" ;
  • identifier les étagères avec un étiquetage par genre (romans, policiers, cuisine, etc.) ; ranger les revues par thème (sport, décoration…) et apposer un visuel sur les casiers qui permette de reconnaître la thématique (par exemple une photo de jardin pour les magazines sur ce thème) ;
  • utiliser des pictogrammes accessibles à tous et à toutes, y compris aux personnes en situation de handicap, ou aux personnes ayant des difficultés de lecture.

Créer la signalétique avec les bénéficiaires peut constituer un projet en soi. 

Livre et lecture en Bretagne propose une signalétique adaptée aux personnes en difficulté avec la lecture : 27 pictogrammes à télécharger librement.

Les outils de gestion des collections

Il est vivement recommandé de choisir, en concertation avec des bibliothécaires professionnel·les, un logiciel de gestion simple, adaptatif et permettant une mise en réseau facile et répondant aux contraintes de sécurité de l'établissement. Utiliser le logiciel de gestion documentaire utilisé par les bibliothèques de lecture publique partenaires peut faciliter le prêt et le dépôt de documents. 

On pourra prévoir l’informatisation du catalogue et la fourniture d’un logiciel de gestion dans les conventions de partenariat avec les bibliothèques de lecture publique.

L'informatisation concertée des structures et établissements pénitentiaires d’un même territoire peut être utile : par exemple, la DISP Grand-Ouest a fait le choix du logiciel PMB, auquel elle a formé toutes ses équipes.